mardi 31 octobre 2017

LES ORIGINES CELTES D'HALLOWEEN : LA SAMAIN

Ce soir, 31 octobre, nombre d’enfants déguisés en petits diables, monstres ou sorciers vont venir toquer à votre porte pour réclamer des friandises en menaçant de vous jeter un sort si vous ne répondez pas favorablement à leur demande.
Cette coutume est la plus connue de la fête d’Halloween, revenue en France depuis le début des années 2000. Mais saviez-vous que cette fête est d’origine celte et porte le nom de Samain ? Il y a plus de 3000 ans, les Celtes occupent les îles britanniques mais aussi la Bretagne et une grande partie de la Gaule.
Selon eux, l’année est divisée en deux : la saison claire et la saison sombre.
La Samain marque le passage entre ces deux périodes et une rupture dans les activités quotidiennes de la société avec la fin des combats pour les guerriers et la fin des travaux des champs pour les agriculteurs.
C’est à l’issue de la Samain que débute la nouvelle année.
Les Celtes ayant un calendrier lunaire, les cérémonies, qui durent une semaine, débutent 3 jours avant la pleine lune de novembre et se poursuivent trois jours après. 
Elles rassemblent l’ensemble de la communauté autour des druides et de grands feux allumés au sommet des collines pour éloigner les mauvais esprits.
En effet, selon les croyances, cette période voit les âmes des défunts retourner auprès de leurs familles. Les vivants se costument et se griment de manière effrayante pour se fondre parmi les revenants.
À la fin des célébrations chaque famille se voit remettre une braise permettant de faire renaître le feu dans le foyer domestique. La flamme sacrée doit ensuite être maintenue jusqu’à l’automne suivant.
Dans le monde romain, les mois d’octobre est également celui de la célébration des morts au cours des Feralia.
Les familles se rendent sur les tombes de leurs ancêtres pour les honorer en apportant des vivres et des fleurs.
Le lendemain, se déroule la fête des Caristia où les dieux domestiques fondateurs de la lignée, appelés dieux lares, sont honorés à leur tour.
La christianisation du monde romain et gallo-romain entraîne l’interdiction de ces fêtes.
Au VIIIe siècle, la fête de tous les saints, célébrée, depuis le VIIe siècle, le 13 mai, est déplacée au 1er novembre pour éliminer les résurgences des fêtes païennes.
La nuit du 31 octobre au 1er novembre devient ainsi la veille de la Toussaint qui se dit en anglais : all hallow’s eve, et s’est transformé en Halloween.
Cette date est pourtant marquée par certaines traditions païennes qui ont perduré au cours des siècles et jusque dans les années 1950-1960, notamment en Bretagne et dans le nord de la France.
C’est le cas de la confection de lanternes creusées dans des légumes comme des navets ou des betteraves et décorées avec des figures effrayantes. Ces lanternes sont ensuite disposées dans les recoins sombres des villages pour effrayer les mauvais esprits.
Si les citrouilles sont aujourd’hui privilégiées c’est parce qu’elles sont plus faciles à travailler !
Ce soir, en donnant leurs friandises aux enfants, n’hésitez pas à leur raconter l’origine de cette fête multimillénaire, plus ancrée dans nos traditions et moins commerciale que l’on ne croit !
Source cliquez ici

Petite histoire de France de Jacques Bainville - 04 - Les Rois fainéants

Petite histoire de France de Jacques Bainville - 03 - Clovis

lundi 30 octobre 2017

Petite histoire de France de Jacques Bainville - 02 - Attila

Joseph Darnand 19 mars 1897 – 10 octobre 1945

Aimé-Joseph Darnand est né le 19 mars 1897, à Coligny.
Il est issu d’une famille nombreuse et modeste, d’esprit traditionaliste. Son père, également nommé Joseph, est employé des chemins de fer, et sa mère tient le ménage. Il a trois sœurs, dont deux plus âgées.
Quand la guerre éclate, il tente de s’engager volontairement mais il est refusé car trop léger et trop jeune.
Le 8janvier 1916, il est enfin incorporé, au 350ème régiment d’infanterie. Il est nommé caporal en avril 1917, puis sergent le 1er juin. Il est ensuite affecté au 366ème régiment d’infanterie pour monter au front, en octobre 1917. Darnand est volontaire pour tous les coups de mains et patrouilles dangereuses de son régiment.
Il va rester célèbre dans l’histoire de la Grande Guerre pour un raid couronné de succès sur le Mont-sans-nom, le 14 juillet 1918, qui permit la capture de vingt-trois allemands et des plans très importants. Ce fait d’armes est capital pour la fin de la guerre en 1918, car il permis à Darnand de s’emparer des plans de la future grande offensive de Ludendorff, prévue pour le lendemain.
 Héros de la Grande Guerre, Darnand la termine adjudant, avec sept citations, dont deux à l’ordre de l’armée, la Croix de guerre, ainsi que la Médaille militaire, qu’il reçoit du Général Pétain en personne, six jours après l’exploit du Mont-sans-nom, et la Croix de guerre belge. Il sera décoré de la Légion d’honneur. Le président Poincarré dira de lui qu’il fut l’un des artisans de la victoire : « J’aurais désiré joindre mon reconnaissant hommage à ceux qui seront rendus par d’anciens combattants au sergent Darnand, artisan de la Victoire. ».
Seuls le maréchal Foch et Georges Clémenceau ont eu droit à cette appellation flatteuse.
Après la guerre, Darnand veut devenir officier et intégrer l’école militaire de Saint-Maixent, mais ses supérieurs le recalent. Il rempile dans l’armée pour deux ans de plus, et il est envoyé en Turquie, au 17ème R.T.A. Il quitte l’année pour de bon en juillet 1921, au grade d’adjudant de réserve, quand il comprend qu’on ne veut pas de lui comme officier.
Il revient s’installer dans l’Ain, où il travaille comme chef aux fabriques de meubles Descher, et où il épouse la nièce du patron. Ils ont deux enfants ensemble : une fille qui meurt en bas âge, et un fils, Philippe.
Joseph Darnand s’installe à Nice en 1925, muté dans le cadre de son travail. C’est là qu’il s’inscrit à l’Action Française, et où il fait la connaissance de Félix Agnély, qui deviendra son meilleur ami, malgré les différences d’origine sociale et de caractère. C’est aussi à cette époque qu’il rencontre Marcel Gombert, via Agnély. Darnand décide de monter sa propre entreprise de transports.
Il quitte l’Action Française en 1928, déçu de ne pas pouvoir donner plus d’autonomie aux Camelots du Roi. Joseph Darnand joue un rôle assez important au sein du CSAR (aussi appelé la «Cagoule »), il y est chargé d’organiser ce mouvement souterrain dans les Alpes-Maritimes d’abord, puis dans tout le sud-est de la France. Il est arrêté, comme nombre de cadres, le 18 juillet 1938. Les preuves manquant pour obtenir sa culpabilité, il obtient un non-lieu en décembre 1938. C’est d’ailleurs en prison qu’il rencontre un futur grand ami et bras droit : Jean Bassompierre, qui était venu lui rendre visite en septembre.
Lorsque la guerre éclate, en 1939, il s’engage à nouveau, en qualité de sous-lieutenant puis lieutenant de réserve. Contrairement à la guerre précédente, il part cette fois sans enthousiasme, conscient des manques criants de l’armée française. Il est envoyé au 24ème bataillon de chasseurs de la 29e » division d’infanterie. Il y retrouve Félix Agnély.
Un corps franc de treize officiers, cinquante sous-officiers et cent cinquante soldats est formé au sein du bataillon, Agnély commande, et Darnand le seconde. Le corps franc monte en Moselle en janvier 1940, où se succèdent les premiers coups de mains. Le 7 février 1940, ils reçoivent la mission de se rendre à Forbach, de nuit, pour suivre les mouvements de l’ennemi. Cernés dans le bourg, ils doivent battre en retraite, mais Agnély est mortellement touché et reste sur place. Joseph Darnand et trois volontaires repartent derrière les lignes ennemies, pour ramener le corps. Darnand est fait Officier de la Légion d’honneur le 15 février 1940, et fait la couverture de Match’ du 21 mars 1940.
Lorsque vient l’heure de la défaite, Darnand a reçu deux autres citations. Il est fait prisonnier le 17 juin en Sologne et interné à Pithiviers. Il s’en évade en août 1940, avec l’aide extérieure de Gombert et d’un certain Philippe Fournier, équipés d’une voiture, de faux papiers et de l’argent. Bien que Darnand ait entendu l’appel de Charles De Gaulles, et fut charmé sur le coup par le côté aventureux, il préféra suivre le côté de la légalité, celui du Maréchal Pétain, le vainqueur de Verdun.
Après l’armistice, il retourne dans son fief de Nice, d’où il prépare des idées de revanche contre les allemands, avec l’aide de Jean Bassompierre notamment. Chef départemental de la Légion française des combattants des Alpes-Maritimes, ce n’est qu’en août 1941, avec la fondation du SOL, que Darnand prend le chemin de la collaboration.
Il y occupe le poste d’inspecteur général, dans les faits c’est le véritable chef. Il quitte Nice pour Vichy début 1942. La visite du dépôt de la LVF, en juillet 1942, en Pologne occupée, achève de le convaincre que le seul salut de la France passe par l’Allemagne, qui doit écraser le bolchevisme, et qu’en aucun cas la France ne doit être réduite au sort de la Pologne. Lors de la tentative de mise sur pied de la Légion tricolore, durant l’été 1942, il montre pour la première fois des vœux de collaboration armée avec le Reich.
Le 30 janvier 1943, la Milice Française est fondée en zone sud, Darnand en est le secrétaire général et le chef incontesté. Hormis le militantisme politique, elle est peu active dans les premiers mois de son existence. Mais les menaces et les meurtres envers les miliciens se multipliant, la Milice opte de plus en plus pour l’Allemagne dans la deuxième moitié de 1943. En juillet 1943, Darnand tente de démissionné, dégouté de la tournure prise par sa Milice, qui n’est toujours pas armée et qui est en train de devenir une simple police supplétive.
la milice
Le Maréchal Pétain refuse sa démission, car il a trop besoin de son « meilleur soldat ».
En août 1943, décidé à ne pas rester inactif, il décide de « franchir le pas» en s’engageant dans la Waffen-SS. Le 8 août 1943, il prête serment de fidélité à Hitler, à l’ambassade d’Allemagne de Paris, en présence d’officiers allemands et du SS wallon Fernand Rouleau. Il est nommé Obersturmführer.
Sa seule volonté étant de sauver la France, « malgré l’opinion publique, et contre elle s’il le faut ». On peut noter que Darnand ne porta sans doute pas plus de deux ou trois fois l’uniforme feldgrau. Joseph Darnand devient le premier français à prêter serment au Führer, les membres de la LVF par exemple ne prêtent serment qu’au chef militaire Hitler, et non pas à l’homme politique.
A partir de là, la Waffen-SS française et la Milice sont étroitement jumelées, et Damand accepte de fournir cadres et hommes issus de la Milice à partir d’octobre 1943. En guise de remerciements, les allemands arment la Milice, en novembre 1943. Joseph Darnand entre au gouvernement le 1er janvier 1944, au poste de secrétaire général au maintien de l’ordre. Sa Milice est étendue à la zone nord, avec l’accord des allemands.
En juin 1944, il est nommé secrétaire d’état à l’intérieur. De janvier à juillet 1944, Darnand est ainsi l’homme ayant le plus de pouvoirs sur la vie intérieure française, en ayant en théorie sous ses ordres toutes les forces policières de France.
Le 17 août 1944, l’ordre de repli général de la Milice est donné, Darnand part en Allemagne. Après quelques entretiens avec Gottlob Berger, Il accepte de verser une partie de ses miliciens à la Waffen-SS. Il tente en vain de garder un certain contrôle sur la Brigade Charlemagne en gestation, en se présentant le 11 novembre 1944 au dépôt de la division à Wildflecken, vêtu de son uniforme de Sturmbannftihrer. Il s’annonce en tant que tel, mais il est refusé par le garde car il n’a pas son soldbuch. Il se présente alors en tant que secrétaire d’état, puis il est reçu par Krukenberg, qui avait prévu cet évènement. Lors d’un entretien privé, ce dernier fait comprendre à Darnand qu’il n’y a pas de place pour lui à la « Charlemagne ».
Un peu dépité, Darnand sait que la «Charlemagne» se fera avec ses hommes, mais sans lui… Il assiste à la cérémonie de serment à Hitler, puis rend une dernière visite à Henri Fenet, avant de partir du camp dès le lendemain.
Le 8 décembre 1944, il écrit à Berger pour servir dans la division Wallonie avec l’accord de Léon Degrelle, mais Berger refuse, sous prétexte que cela pourrait être mal vu des français de la brigade Charlemagne.
Joseph Darnand décide alors de partir pour l’Italie du nord, avec un bataillon de franc-gardes de la Milice, où il arrive le 12 mars 1945. Il se rend avec le bataillon milicien à Tirano, le 25 avril. Ayant l’autorisation de sortir de la caserne malgré son statut de prisonnier, il en profite pour se cacher dans l’appartement d’une vieille dame, parente d’un religieux. Peu après, le père Bonfiglio de Tirano lui offre un nouveau refuge dans la montagne, à Eldolo. C’est là que Damand est arrêté par des agents des services spéciaux anglais, le 25 juin 1945. Il est remis peu après aux autorités françaises.
Sa femme et son fils Philippe partiront d’Italie pour l’Amérique du sud, vivant chichement plusieurs années. Philippe devient ingénieur et reviendra bien plus tard En Europe.
Incarcéré à Fresnes durant l’attente de son procès, aucun avocat ne veut le défendre, jusqu’à ce que Maitre Ambroise-Colin le rencontre en septembre 1945.
Dans sa dernière lettre, adressée au général de Gaulle, il demande la clémence pour ses miliciens, arguant qu’ils n’ont fait que suivre ses ordres.
Malgré son passé glorieux et une défense honnête durant laquelle il ne renie rien, le héros des deux guerres devenu à la fois personnage clé de l’État Français et membre de la SS, tombe sous des balles françaises, le 10 octobre 1945, au fort de Châtillon.
Joseph Darnand est enterré au cimetière des Batignolles, à Paris.Sa nièce, Jeanne Brevet fut l’épouse d’Henry Charbonneau puis en 1984 de Léon Degrelle.
Source

La Régence d'Alger : « La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée »

Par Altifashi
3214517770.jpgCette rétrospective historique très documentée reçue dans les   commentaires  de Lafautearousseau nous a beaucoup intéressés.  Il s'agit d'une réaction à un article publié ici : « La France n’a pas colonisé l’Algérie. Elle l’a fondée ». Et ce commentaire nous apprend ou nous rappelle beaucoup de choses peu connues ou oubliées. Bonne lecture et s'il y a lieu les historiens débattront. En tout cas, merci à l'auteur.  LFAR   
Connaitre l'histoire de la Régence d'Alger de sa fondation en 1515 jusqu'au débarquement de 1830 est absolument indispensable pour comprendre tout ce qui se passe après ! Les pieds noirs eux mêmes (dont je fais partie avec toute ma famille) ont tendance à penser que l'histoire de l'Algérie commence avec leur histoire ; c'est faux Il est important aujourdhui de revenir sur la raison qui a motivé Charles X à prendre Alger qui était toute simple : faire chuter le régime tyrannique du Dey d'Alger qui faisait peser depuis trois siècles un joug humiliant sur les nations chrétiennes.
Depuis leur arrivée en Afrique du nord, les arabes ont très vite pratiqué la piraterie, commerce facile et juteux qui s'est développé considérablement en 1519 avec son annexion à l'empire ottoman par Kheir-ed-din Barberousse. Le sultan ottoman Selim 1er le nomme beyglierbey (gouverneur général) et lui envoie une puissante armée de plusieurs milliers de janissaires. Les navires de la « Régence d'Alger » armés par les corsaires de Barberousse, aidés par les puissants janissaires turcs (Odjeac) vont « allègrement » piller les navires chrétiens sans défenses.
Pendant plus de trois siècles, la Régence d’Alger va devenir le fléau de la chrétienté, attaquant sans pitié les navires marchands chrétiens s’enrichissant de leurs dépouilles. Elle vit ruisseler sur ses marchés l’or du Mexique, l’argent du Pérou, les diamants des Indes, les soies et les brocards du levant : les marchandises du monde entier ! Chaque jour des galères pavoisées rentraient dans le port traînant des navires lourdement chargés de vivres, de richesses et surtout d’hommes, de femmes, d’enfants et de vieillards qui alimentaient cet immense marché aux esclaves : le Batistan ! C’est ainsi que s’emplissait le trésor de l’Etat et que tous, depuis le plus audacieux des corsaires jusqu’au plus modeste paysan, s’enrichissait sans peine de façon crapuleuse. Les coteaux voisins se couvraient de villas et de jardins décorés des marbres ravis aux palais et aux églises d’Italie et de Sicile. La ville elle-même où l’or si facilement gagné se dépensait plus vite encore, offrait aux aventuriers l’attrait d’une fête perpétuelle et l’appât des plaisirs faciles…
Mais lorsque François 1er signe une alliance avec l'empire ottoman pour se protéger de l'ambition de Charles Quint, des accords sont conclus entre la Régence et la France. Ils seront violés régulièrement par les corsaires barbaresques jusqu'à Napoléon qui menaça en 1802 le dey Mustapha de débarquer 80 000 hommes et de détruire la Régence s'il ne restituait pas les navires battant pavillon français !
Quant au consul Pierre Deval, ses détracteurs l'ont toujours présenté comme un personnage ambigu. Son père était drogman du levant à Constantinople, il fut donc élevé dans un milieu oriental dont il garda les manières. Un turc aux manières orientales ne choquait personne, alors qu’un français oui ! Lorsqu'il vient rendre visite au Dey Hussein le 30 avril 1827 pour lui présenter ses hommages à l'issue du jeûne du Ramadan, il en profite pour lui demander la restitution de plusieurs navires couverts du pavillon blanc et de la protection de la France, injustement capturés ! De très méchante humeur à cause de l'aide que portait l'Europe à la Grèce révoltée contre la Turquie, Hussein reproche à Deval de favoriser les intrigues des juifs Bacri et Busnach au sujet de la dette contractée par le directoire à son prédécesseur le Dey Hassan. Le dialogue devint très vite animé et à la suite d'une réponse un peu vive du consul, le Dey le poussa avec l'extrémité de son chasse mouche et le menaça de prison ! Il est vrai que ce coup de chasse mouche fit à Paris un effet papillon, et que le Roi de France Charles X avait du mal à assoir son autorité face au parti des ultras qui voulait la guerre et à l'opposition libérale qui la redoutait.
Pour affirmer sa souveraineté il prend une demi-mesure en ordonnant le blocus de la Régence. Le Dey reste sur ses positions et ne veut ni restituer les navires, ni présenter d'excuses, il se contente de rappeler la créance Bacri- Busnach.
Alors, cette créance qu'en est-il ? En bref voici les faits : au début des années 1790, la France voit presque toute l’Europe se dresser contre elle. Les anglais en particulier intriguent auprès du Dey Hassan pour empêcher la livraison d’énormes fournitures de grain, de viande salée de cuir et d'autres denrées alimentaires destinées à l'alimentation du midi et surtout à la subsistance des armées napoléoniennes. Le Dey résista aux instances des anglais et se montra fort chevaleresque en prêtant au Directoire une somme d’un million sans demander d'intérêt. Mais plutôt que de traiter l'affaire lui-même il passa par l'intermédiaire des deux fameux négociants qui géraient la fortune du Dey et avaient la main mise sur toutes les transactions de la Régence : Bacri et Busnach.
C'est alors qu'ils imposèrent leurs conditions au Directoire : les mesures de blé étaient revendues à prix d'or, sans que le Dey n’en sache rien ! En 1797 Bacri fait monter la dette à 7 943 000 francs ! Le Directoire autorise le versement d'un acompte de 4 500 000 francs, mais le Dey ignore tout des sommes versées à son mandataire... En 1819 Bacri réclame un arriéré de 24 millions, le gouvernement de la Restauration reconnait la dette et décide que la somme de 7 millions sera payée par le trésor public.
Duval reçut alors la délicate mission d'expliquer au Dey que la somme due avait été réglée au seul créancier officiel : Bacri. Dans cette affaire tout le monde fut dupé par ce Jacob Bacri, et le Dey en particulier qui ne verra jamais son argent !
Le 30 juillet 1829, le navire « La Provence », mouille en rade d'Alger sous pavillon parlementaire. Le commandant De la Bretonnière propose alors au Dey une réconciliation sous condition, mais le Dey sait que s'il présente des excuses une révolution suit et sa tête tombe inévitablement, il pense aussi que l'Angleterre le protègera. En quittant le port d'Alger le vaisseau parlementaire est bombardé lamentablement par les canons des batteries du port qui le touchent onze fois. Le commandant, fier de son pavillon parlementaire, ne riposte pas ! Le gouvernement ne peut tolérer l'insulte faite au drapeau français. On prie le Sultan de Constantinople à contraindre le Dey à des réparations qui échouent. On propose au pacha d'Egypte, Mehmet Ali 28 millions, et 4 vaisseaux de ligne pour faire tomber le Dey, également de rendre la Régence à la Grande Porte : mais la Turquie ne voulait plus s'embarrasser d'un vassal ingérable !
Charles X n'avait aucune velléité de conquête, mais il n’avait plus le choix : il ordonna l'expédition d'Alger pour laver un affront fondamental, et que l’humanité n’ait plus à gémir de la tyrannie des barbaresques, ni le commerce à souffrir de ses déprédations.
Quant au livre de Pierre Péan, il est basé sur une rumeur qui courait dès septembre 1830 dans les rangs de l’opposition : l'armée française a pillé le trésor personnel du Dey ainsi que le trésor de la casbah !  Quand on est contre tout ce que fait le gouvernement, que les protagonistes de la prise d’Alger ne sont plus là pour répondre, et que l’action s’est déroulée de l’autre côté de la Méditerranée, il est facile d’affirmer de tels mensonges !
Que s’est-il passé vraiment ? D’abord, dès la reddition du Dey, des pillards juifs et maures se sont introduits dans la Casbah pour dérober des objets sans grande valeur abandonnés de part et d’autre par la famille du Dey. Ses réclamations et celles de son gendre porteront uniquement sur quelques sommes d’argent : c’est ça, le pillage de la Casbah !
Mais la rumeur sera prise très au sérieux par le gouvernement de Louis- Philippe, et le Moniteur du 21 octobre 1830 publie le résultat des enquêtes sur le trésor de la Casbah : « La prise d’Alger et de son trésor a été pendant longtemps le sujet des rapports les plus propres à flétrir la réputation d’hommes honorables employés à l’armée d’Afrique…une commission d’enquête a été nommée …tous les fruits de soustraction et d’infidélité...sont autant de fables dénuées de fondement... » .
Le général en chef Clauzel, successeur de Bourmont, signe le 22 octobre un ordre du jour afin d’apaiser la grogne des 30 000 soldats de l’armée d’Afrique : « …La déclaration expresse de la commission est que rien n’a été détourné du trésor de la casbah et qu’il a bien été, après inventaire, envoyé à Paris pour intégrer les caisses de l’état ».
Ce fameux trésor, butin de l’infamie barbaresque, a constitué le butin de guerre qui servira à rembourser les frais d’expédition. Il n’y a pas eu de pillage. 
Sources
Henri Delmas de Grammont » Histoire d'Alger sous la domination turque » (1887 éditions Bouchène)
Daniel Panzac « Les corsaires barbaresques, la fin d'une épopée » (1999)
Alfred Nettement « Histoire de la conquête d’Alger » (1867)
Léon Godard « Soirée algériennes, corsaires esclaves et martyres de Barbarie « (1857)
Georges Fleury « Comment l'Algérie devint française : 1830-1848 » (Perrin 2004)
Aristide Michel Perrot « La conquête d'Alger ou relation de la campagne d’Afrique » (1830)
Augustin Bernard « Histoire des colonies françaises, tome II » (1930)
Pierre Serval « La ténébreuse histoire de la prise d'Alger » (La table ronde 1943)
Ce livre existe aussi avec le même texte sous le titre « Alger fut à lui « édité par Calmann-Lévy en 1965.
Lire l'article et les autres commentaires ...

Le Bateau Perdu de Barbe Noire Documentaire

Spartacus, au delà du Mythe

vendredi 27 octobre 2017

100 ans après la révolution bolchévique, les catholiques russes se souviennent de leurs «martyrs du goulag»

Lorsque le centenaire de la révolution bolchevique tombera début novembre, les communautés chrétiennes de l'ex-Union soviétique commémoreront les persécutions qu'elles ont déclenchées. Mais ils se souviendront aussi des méditations religieuses nées dans les prisons et les camps de travail, dont certaines méritent d'être classées parmi les meilleures de l'histoire chrétienne. Mgr. Igor Kovalevsky, secrétaire général de la Conférence des évêques catholiques de Russie, déclare :
"Les souffrances de l'ère soviétique ont affecté non seulement les églises, mais toute la société, y compris les athées". "Les écrivains laïcs comme Alexandre Soljenitsyne et Nadhezda Mandelstam sont peut-être devenus les plus célèbres, mais les thèmes du témoignage et du martyre se retrouvent aussi dans la littérature du goulag et sont universellement reconnus et respectés."
Bien que souvent considérée comme une époque de vide culturel et spirituel, la domination soviétique produisit de profondes œuvres chrétiennes de prose et de poésie, offrant des réflexions vitales sur une foi résiliente.
Bien avant les événements de 1917, l'écrivain Dostoïevski avait prévu prophétiquement :
"Les prédicateurs du matérialisme et de l'athéisme, qui proclament l'autosuffisance de l'homme, préparent des ténèbres et une horreur indescriptibles pour l'humanité sous l'apparence de la rénovation et de la résurrection". "Ils conçoivent d'arranger les choses avec justice, mais ayant répudié le Christ, ils finiront par inonder le monde de sang."
Le cerveau de la révolution, Vladimir Lénine, avait juré d'émasculer le clergé orthodoxe russe - ces «agents en soutane» qui avaient été utilisés par le tsar pour «adoucir et embellir le sort des opprimés avec de vaines promesses d'un royaume céleste».
Appeler la religion «l'opium du peuple» était trop bon, avait écrit Lénine en 1909, paraphrasant Karl Marx. C'était plutôt "une sorte de boisson toxique, par laquelle les esclaves du capital noircissent leur figure humaine et leurs aspirations à une vie humaine plus digne".
Nadhezda Mandelstam, dont le mari poète Osip mourrait dans un camp près de Vladivostok, était hantée par les brutalités anti-cléricales dont elle était témoin à Moscou. Le mot même de Dieu était devenu un «objet de moquerie», rappelait Mandelstam, tandis que les nouveaux possesseurs de la «vérité scientifique» revendiquaient l'autorité divine.
"Non seulement Dieu, mais la poésie, les idées, l'amour, la pitié et la compassion ont été renversés à la hâte. Nous devions commencer une nouvelle vie sans aucun sens". "La moralité chrétienne - y compris l'ancien commandement" tu ne tueras pas "- était allègrement identifiée à la morale bourgeoise, tout était considéré comme une fiction."
Un Français, le dominicain Michel Florent, a écrit des dépêches régulières de l'église Notre-Dame de Leningrad, en enregistrant la persécution :
"Les fidèles viennent encore à l'église, mais il est si triste d'entendre leurs plaintes, de regarder leurs larmes". "Pourquoi Dieu permet-il tout cela? ... Que pouvons-nous faire pour rester fidèles, quand nos familles sont dispersées, celles que nous aimons exilées ou déportées?"
Des déportés polonais, revenant de «l'anti-espace et de l'anti-temps» des camps de travail, ont admis avoir perdu leur foi. Tandis que certains l'avaient aussi trouvé. Plus de 360 ​​000 Polonais ont été déportés à des milliers de kilomètres à l'est sur des camions à bestiaux entre 1940 et 1941, lorsque l'Armée rouge soviétique a occupé l'est de la Pologne. Ils rapportaient des histoires de vide et de désolation, de conditions où la haine et la suspicion régnaient, et les corps et les esprits pouvaient être écrasés en quelques jours. Peut-on préserver tout lien avec Dieu lorsque chaque arme physique et psychologique était utilisée pour étouffer la voix de Dieu pour toujours?
Le polonais Gustaw Herling-Grudziński avait été arrêté par la police soviétique du NKVD en tant qu'étudiant et envoyé dans les camps pour espionnage. Son mémoire, publié à l'étranger en 1951 avec une introduction du philosophe Bertrand Russell, décrit comment le travail forcé a été utilisé pour créer un nouvel homme "au-dessous du niveau le plus bas de l'humanité", privé de mémoire, d'identité et de dignité. Les anciens et les malades étaient systématiquement tués par les gardiens du camp.
"La certitude que personne ne connaîtrait jamais leur mort, ou ne connaîtrait jamais l'endroit où ils avaient été enterrés, était l'une des plus grandes torture des prisonniers ». «Les murs de la caserne étaient couverts de noms de prisonniers griffés dans le plâtre et les amis devaient compléter les données après leur mort en ajoutant une croix et une date.»
Beaucoup de prisonniers, corrompus par la souffrance, ont perdu toute volonté de prier. Après tout, comment Dieu aurait-il pu créer un monde qui le renierait si radicalement, dans lequel les gens vertueux n'obtiendraient aucune protection divine lorsqu'ils seraient frappés par les puissances du mal?
Certains des détenus ont continué à vivre une vie religieuse, à jeun, à recevoir les sacrements et à conserver leurs crucifix et leurs chapelets. Walter Ciszek quitta la Russie en 1963 dans le cadre d'un échange d'espions après 15 ans d'emprisonnement et de travaux forcés, faisant le signe de la croix par la fenêtre de l'avion alors qu'il s'envolait de Moscou, les flèches du Kremlin au loin. Ciszek avait été répertorié comme mort depuis 1947, et ses camarades jésuites avaient dit des messes pour son âme. Il était frappé par «l'intemporalité et l'inutilité» qu'il avait éprouvées, mais aussi par le sens de la providence divine. Comme les Israélites de l'Ancien Testament, pleurant en captivité près des rivières de Babylone, des chrétiens comme lui avaient réfléchi aux questions séculaires demandé à Dieu dans les Psaumes 12 et 13, à une époque où "chacun profère des mensonges envers son prochain" et "la bassesse est exaltée parmi les fils des hommes": "Combien de temps, Seigneur, veux-tu m'oublier pour toujours?" Ciszek avait vu les souffrances des chrétiens comme un signe de l'amour de Dieu, comme cela avait été le cas pour leurs précurseurs bibliques. Les chrétiens pouvaient se demander pourquoi Dieu avait permis un tel mal. Mais il y avait eu la persécution auparavant, et l'Eglise avait toujours été soutenue par Dieu.
"Je me suis rendu compte à quel point les tentatives de l'homme ou du gouvernement pour détruire le royaume de Dieu étaient vaines", "vous pouvez fermer des églises, emprisonner des prêtres et des ministres. même les hommes et les églises se battent entre eux, mais vous ne pouvez pas déraciner la bonne semence ... Qu'est-ce que j'étais, par rapport à la puissance et au pouvoir du gouvernement soviétique? autour de nous, avec tous ses organes de propagande et de persécution, et pourtant, dans la providence de Dieu, nous étions ici - c'était l'endroit qu'il avait choisi pour nous. »

Brûlez Rome ! - Partie 1

mardi 24 octobre 2017

Il y a cent quatre vingt dix ans, le 20 octobre 1827..

.... La bataille de Navarin donnait un nouveau tour à l’histoire de France
On a beaucoup dit que la bataille de Navarin méritait une place de choix dans les livres d’histoire pour au moins quatre raisons : elle fut la dernière grande bataille de la marine à voile  – encore que l’un des navires de combat,  la Karteria, fut pour partie un vapeur -, elle marqua une étape déterminante vers l’indépendance de la Grèce, elle illustra l’irrésistible déclin de l’empire ottoman, enfin elle représenta la première intervention militaire à objectif humanitaire. Mais surtout, en confirmant le premier rang occupé par la France dans le concert européen, elle signalait aussi que celui-ci ne serait conservé qu’à la condition de demeurer fidèlement à l’exigeante alliance avec l’Angleterre.
   Depuis treize ans déjà, la France remontait peu à peu la pente après que la Révolution puis l’Empire l’avaient jetée dans le cul de basse fosse de l’Europe pacifiée. Si les puissances alliées avaient contribué au retour des Bourbons et à la restauration de la monarchie légitime, ce n’était pas sans une certaine méfiance à l’égard de ce pays toujours prompt aux emportements et aux débordements. Et l’épisode des Cent-Jours avait donné raison aux sceptiques. Après quoi, l’habileté diplomatique du duc de Richelieu, combinée au réalisme politique de Louis XVIII, avait permis à la France de rejoindre la Sainte-Alliance dès 1818 mais sans l’Angleterre.
    Celle-ci n’avait d’ailleurs pas vu d’un très bon œil l’intervention de la France en 1823 pour rétablir le roi d’Espagne détrôné, Ferdinand VII. Elle contribua, en 1825, profitant de la disparition du tsar Alexandre Ier qui l’avait initiée, à ce que l’entente continentale prit fin, au profit d’ententes plus conjoncturelles et comptant moins de participants. Le gouvernement de Londres voulait bien s’allier avec la France mais à la double condition que ce ne fût pas dans un contexte multilatéral et qu’elle pût toujours disposer d’une forme de droit de veto. Car jamais jusqu’ici les deux puissances n’avaient vu leurs armes réunies en face d’un ennemi commun. Navarin fut donc la grande première de l’histoire franco-britannique.
    La Grèce, tombée dans l’orbite turque depuis le milieu du XVe siècle, n’avait jamais supporté cette occupation et, comme on disait alors, le « joug ottoman » qui ne connaissait que deux catégories d’hommes : les musulmans et les infidèles. À l’occupation militaire s’ajoutèrent, à partir du XVIIIe siècle, une administration inefficace, vulgaire et corrompue, puis des seigneurs locaux rançonnant sans  complexe l’indigente économie locale. Mais si les puissances occidentales, surtout leurs hommes de lettres et leurs philosophes, pleuraient régulièrement sur ce berceau de l’humanisme livré à des barbares et à des soudards, leurs monarques consacraient leur énergie à se disputer des territoires centraux ou ultramarins : engager un conflit destiné à libérer un peuple n’était pas encore dans l’esprit de l’époque. Et si la Russie de Catherine II avait des visées sur la région, c’était pour que son empire remplaçât celui des Turcs, non pour libérer les Grecs. Toutefois, la victoire russe de 1774 avait institué le tsar  « protecteur des Orthodoxes ». Sous ce fragile équilibre, les populations du nord disposèrent d’une certaine liberté, tandis que celles du Péloponnèse demeuraient soumises à un quasi esclavage. Dès lors, les révoltes se multiplièrent et les autorité turques, aussi brutales que mal organisées, parvenaient de moins en moins à les réprimer. Des gouvernements locaux, issus des élites et soutenus par la population se formaient un peu partout De sorte que, le 1er janvier 1822, à Epidaure, cinquante-neuf se réunirent et proclamèrent l’indépendance de la Grèce. La violente mais désordonnée réaction turque se traduisit par plusieurs massacres qui indignèrent l’Europe.
    Dans le climat romantique du temps, des volontaires  « philhellènes » se pressèrent pour venir aider les Grecs, dont le poète anglais lord Byron. Sa mort (de maladie) le 18 avril 1824 à Missolonghi provoqua une vive émotion et les puissances décidèrent de mettre enfin la question grecque à l’ordre du jour de leurs congrès annuels. Les discussions trainèrent en longueur, sans résultats concrets, d’autant que les dirigeants grecs insurgés commençaient à se diviser.
    Monté sur le trône le 16 septembre 1824, Charles X ne pouvait, malgré la prudence de Villèle, son premier ministre, décevoir les partisans -  qui s’appelaient notamment Hugo, Lamartine et autres prestigieuses signatures - d’une intervention en faveur des Grecs ; en outre son penchant chevaleresque le conduisait naturellement à regarder le secours aux orthodoxes persécutés comme une obligation morale de bon chrétien. La Russie également changea de dirigeant avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas 1er, le 1er décembre 1825. Lui aussi était décidé à en découdre avec les Turcs et, pour ce qui était de la Grèce, de façon définitive. De l’autre côté de la Manche, le même courant romantique exigeait que Byron ne fût pas mort pour rien : Georges IV, et son premier ministre Georges Canning, ne pouvaient donc demeurer en reste.
    C’est ainsi que, après de nouvelles et laborieuses tractations,  fut signé, le 6 juillet 1827, le traité de Londres entre l’Angleterre, la France et la Russie. Les grandes puissances de l’époque mettaient autant de temps à se mobiliser que les actuelles contre l’État islamique, comme si s’attaquer à des criminels musulmans et prendre la défense des chrétiens d’Orient persécutés emportaient un  mystérieux tabou : vieux complexe de l’échec des Croisades ?
    Pendant ce temps, les Turcs rassemblaient une flotte de guerre dans la baie de Navarin, au sud-ouest du Péloponnèse  (aujourd’hui Pylos) zone à l’abri des turbulences, un peu comme le serait le Scapa Flow des Anglais durant les première et deuxième guerres mondiales, afin de préparer une offensive d’envergure contre plusieurs points de la côte et des îles tenus par les nationalistes grecs.
    Depuis plusieurs années, une flotte anglaise, commandée par l’amiral Edward Codrington et une flotte française, commandée par l’amiral Henri de Rigny, croisaient en Méditerranée orientale afin de lutter contre la piraterie barbaresque. La première prit position devant Navarin le 12 septembre, la deuxième le 22. Une escadre russe, commandée par l’amiral Lodewijk von Heiden, les rejoignit le 10 octobre. Les alliés regroupèrent ainsi vingt-huit bateaux, contre environ quatre-vingt navires turcs, disparates et beaucoup moins bien armés.
    La bataille, engagée, après d’ultimes et vaines négociations avec les Turcs, en fin de matinée du 20 octobre, s’acheva cinq heures plus tard. La puissance de feu des navires alliés en avait presque fait une formalité. Les Turcs perdirent une soixantaine de navires et six mille combattants. Il ne leur restait plus qu’à se retirer.
    Bien que décisive sur le plan maritime, la victoire n’entraîna pas ipso facto l’indépendance de la Grèce. Il fallait, pour cela, la compléter par une offensive au sol afin d’éliminer toute présence militaire ottomane. Ce fut, avec l’accord, total de l’Angleterre et, plus nuancé, de la Russie, la tâche de l’armée française lors de ce qu’on appela l’expédition de Morée (ancien nom du Péloponnèse) qui se déroula du 29 août au 5 novembre 1828 : l’une des grandes victoires, à la fois déterminante pour l’Histoire, et peu coûteuse en hommes, qu’il faut mettre au compte de Charles X.
Daniel de Montplaisir

DOC - Cesar le conquerant de la Gaule

samedi 21 octobre 2017

Projet de documentaire sur Hélie de Saint Marc, témoin du siècle

Hélie de Saint Marc, témoin du siècle- une histoire française  est un projet de documentaire destiné à être diffusé à la télé et en DVD. Autour d'archives inédites couvrant la période de 1914 à 2014, il a l'ambition de faire découvrir une période de l'histoire de France au plus grand nombre à travers le témoignage du Commandant de Saint Marc, résistent, déporté, héros des guerres d'Indochine et d'Algérie et auteur de plusieurs ouvrages dont Les Sentinelles du Soir, Les Champs de Braises, L'aventure et l'Espérance.
Le projet a l'ambition d'apporter un éclairage nouveau sur une histoire encore mal connue.
Vous pouvez contribuer au financement de ce reportage. Le financement servira principalement à financer les moyens techniques (banc de montage, caméras, post-production) et de diffusion (pressage des DVD, réservation des espaces de visionnage) qui permettront au film d'exister.

LES SIÈGES & LA BATAILLE DE VIENNE (1529 & 1683) | AU CŒUR DE L’HISTOIRE...

jeudi 19 octobre 2017

Pourquoi Jean Raspail ? (2ème partie et fin)

Nous sommes tous des Oumiates jetés hors de nos forêts
Ce déracinement, cette évaporation de la mémoire du lignage est une réalité concernant la majorité des Français d'aujourd'hui. Que chacun se regarde, qu'il contemple l'onde du Styx et il y verra une histoire similaire. Le malheur ne vient pas de cette disparition de la mémoire et des racines. Les civilisations sont mortelles et nous assistons à un cycle naturel de la vie de l'humanité.
Le malheur vient de l'indifférence dans laquelle se trouvent la plupart des hommes. Sans regarder ils  voient mourir leur âme et semblent sans moquer parfaitement. Or, la vie à venir exige de se souvenir !
Plus aucune fumée ne s'échappe du sanctuaire de Corinthe. La pythie plus jamais ne prophétisera. Mais la sagesse grecque nous est parvenue et sous d'autres formes, nous en vivons. Notre vie contemporaine se nourrit de l'intelligence de Rome, d'Athènes et de Jérusalem. Notre langue s'est construite principalement sur l'addition et la mutation du francique, du latin et du vieux gaulois. Se souvenir, ce n'est pas rêver du monde fixe, ce n'est pas contempler la mort, c'est vivre ! Vivre et avancer en s'appuyant sur ce qui fut !
Pour cela il faut transmettre. Plus jamais votre serviteur ne fera revivre sa famille cévenole, ni la culture juive alsacienne et encore moins son vieux Paris dont il connut les derniers feux. Mais il use son énergie à parler et transmettre, à conserver vivante cette flamme parfaitement inscrite dans le foyer plus large de l'esprit de la civilisation française. Elle se modifie avec les ajouts des vies nouvelles, mais sa source demeure. Là est l'essentiel.
L'indifférence de nombre de Français pour leurs racines et leur âme, le peu de souci qu'ils ont de transmettre leur passé à ceux qui viennent est une cause de grande souffrance car elle nous rapproche du destin des Kaweskars ou Alakalufs. Un jour viendra le dernier homme et après lui nul ne se souviendra plus, à moins qu'il ne rencontre son Jean Raspail ou son Georges Dumézil, passeurs de flammes devenues petites et vacillantes flammèches, dans l'attente d'un hypothétique renouveau. (Celui-ci est toujours possible. Le XIXe siècle fut le temps d'une renaissance du gaélique et du finnois tous deux en voie de dégénérescence à l'époque.)
Quelque part dans la ville des hommes gris, Zéphyr le clochard transmet le message laissé par ceux qui partirent de la Principauté.
Un bel exemple de cette indifférence réside dans notre muséographie. La fermeture, en 2005, à Paris, du musée des Arts et traditions populaires et le transfert des collections à Marseille pour l'ouverture du musée des civilisations de la Méditerranée est en soit évocatrice… La réduction de notre spécificité française à une civilisation d'interface avec les cultures méditerranéennes revient à nier la réalité atlantique, septentrionale et rhénane du pays, mais aussi ses profondeurs continentales qui n'ont rien à voir avec aucune frontière externe.
Plus intéressant encore est le cas du musée du Quai Branly, musée des arts premiers, dont le slogan est « le musée où les cultures dialoguent ». La base de ce musée est composée des collections du défunt « musée des arts océaniens et africains », anciennement « musée des colonies », installé à la Porte-Dorée dans le XIIe arrondissement de Paris et devenu depuis la « Cité de l'immigration », tout un programme… Pour en revenir à ce musée du Quai Branly, on y voit se succéder des œuvres d'art africaines des différentes parties du continent, des œuvres polynésiennes, vietnamiennes, d'Asie centrale et sibériennes, du Maghreb, amérindiennes. En somme, ce musée de toutes les cultures est le musée des cultures non-européennes, mélangées dans un pêle-mêle étrange, sans tenir compte de la disparité d'ancienneté historique des vestiges comparés, ni des mutations diverses de ces sociétés. Ainsi, les œuvres polynésiennes sont toutes du XXe siècle, mais semblables à celles que découvrit Bougainville et semblables sans doutes à l'art de ces peuples il y a mille ans. Cet art figé a sa grandeur, mais il est parfaitement dissemblable de l'art khmer auquel il est comparé quelques galeries plus loin, faisant appel à une civilisation dont les traits ont profondément changé dans le même temps. Enfin, si toutes les cultures dialoguent, où sont les cultures européennes ? Pourquoi seules elles seraient exclues de cette conversation ? Pourquoi seules elles n'auraient pas le droit à la reconnaissance d'une diversité culturelle et ethnique digne d'être représentée ? Cependant, considérant le mépris inconscient dans lequel sont mélangés les totems de l'Oubangui et les masques rituels des îles Loyautés, sans doute est-il préférable que nous ne soyons pas mêlés à cette mascarade.
Plus proche de notre quotidien, qui n'a jamais remarqué que lors des kermesses ou des marchés de Noël, il se trouvait toujours un stand pour vendre des produits « ethniques » ? Dans ces étalages on trouve des produits africains, asiatiques du sud ou amérindiens. L'Extrême orient développé et l'Europe semblent ne pas avoir d'ethnies. Pourtant les hommes qui y vivent sont des êtres de chair. Que s'est-il passé ? Pour sa part, votre serviteur y voit une grande ignorance, un mépris inconscient envers les peuples non-blancs réduits à un folklore, et une méconnaissance ou un désintérêt pour la richesse de notre propre civilisation.
Cette richesse doit pourtant se vivre au quotidien, dans les petites choses, non pas seulement en visitant le Louvre ou nos cathédrale, héritage majestueux, mais que notre histoire conquérante a transformé en héritage commun de l'humanité et non en legs spécifique à nos petites communautés. La tradition doit avant tout se vivre dans les petits objets, les petits lieux, les locutions particulières qui font nos patries immédiates, nos familles, nos quartiers et nos villages. En ce sens, la destruction du musée des Arts et traditions populaires ainsi que la déshérence de la nombre de musées locaux sont autant de crimes contre la mémoire des peuples français et européens.
Cela doit cesser, il est loin d'être trop tard. Français ! Pour vivre il faut te souvenir ! Interroge tes parents, tes grands-parents, tes grands-oncles et grandes-tantes ! Conserve autant que tu peux et transmets à ton tour, dans le meilleur état possible, non pas un cimetière, mais le dépôt de ton lignage individuel et commun. Il n'y a pas de plus belle et de plus grand antidote contre la mort éternelle qui frappe les peuples oubliés. Si dans le renfoncement du mur de la salle à manger de ton aïeule traîne une antique soupière en étain marquée d'inscriptions de toi inconnues, n'en perd pas le message, ce plat de chaque jour recèle un trésor.
Gabriel Privat

Pourquoi Jean Raspail ? (Partie 1)

Souvent, votre serviteur s'est demandé ce qu'il pouvait trouver de séduisant à l’œuvre de Jean Raspail. Certes, l'auteur est agréable tant à lire qu'à entendre. Ses récits sont le fruit de l'union du rêve et du réel et vous entraînent sur des pistes anciennes à l'aspect éternel. Nombre de ses histoires grattent l'esprit occidental là où il se démange.
Mais tout cela n'expliquait pas l'attrait que cet auteur exerçait sur l'esprit de celui qui écrit ces lignes. Enfin quoi ! Il y a d'autres romanciers, dramaturges et poètes dont l’œuvre possède les mêmes qualités et s'exprime avec un talent équivalent, voire supérieur.
Ce n'est un secret pour nul me connaissant un peu, j'élève bien haut sur les autels du panthéon littéraire l’œuvre et la figure de Balzac, suivi de près par Barbey d'Aurevilly, Racine et Corneille se partageant la troisième place. Pourtant, Raspail occupe, dans ce temple, une chapelle à part.
Pensant de nouveau à son œuvre immense, j'y ai établi une distinction entre les titres et ceux qui m'apparurent comme les plus agréables et les plus émouvants à lire furent Qui se souvient des Hommes ?Pêcheur de lunesSept cavaliers, Septentrion et L'Anneau du pécheur. Le point commun entre ces ouvrages est qu'on y trouve l'évocation de peuples évanouis dont l'ultime témoignage, entre le conte et l'Histoire, put être recueilli avant l'évaporation totale.
Qui se souvient des Hommes est l'histoire du peuple Alakalufs de la Terre de Feu, totalement éteint au milieu du XXe siècle, par évaporation, les derniers membres de la race s'étant assimilés aux autres peuples chiliens. La conscience du lignage est forte, malgré tout, dans l'esprit du héros de l'histoire ; héros lignager passant les siècles du commencement à la fin du monde. Mais l'histoire n'est pas immobile. La marche du temps a emporté, cette fois dans le réel et non la fable, les ultimes souvenirs des Kaweskars ou Alakalufs, qui dans leurs propres langues s'appelaient « Les Hommes », n'en ayant jamais rencontrés d'autres avant l'arrivée des Blancs et imaginant être les seuls.
Pêcheur de lunes, récit romancé de voyages menés effectivement par Jean Raspail en Amérique et en Asie reprend le même thème, celui de ce que l'auteur appelle « les chemins parallèles », goût de l'exploration à la recherche des peuples disparus ou prétendus tels. A chaque fois Raspail retrouva des vestiges, sous la forme de ruines, ou de l'ultime descendant d'un peuple éteint. On ne peut s'empêcher de penser, en lisant ces histoires, au travail cette fois très universitaire de Georges Dumézil, qui passa une partie de son existence à arpenter les montagnes de l'Asie centrale, à la recherche des derniers locuteurs de dialectes indo-européens primitifs. Il recueillit, dans ces voyages, des mots, des éléments de grammaire et des récits de peuples dont il aperçut parfois les derniers représentants et aujourd'hui disparus depuis des décennies. Il ne restait quelquefois qu'un dernier village, d'autres fois encore c'était un berger solitaire, ultime témoin d'une histoire pluri-millénaire de civilisations fragiles, petites pousses de l'immense floraison indo-européenne broyées sous les meules des civilisations continentales plus puissantes dont la poussée démographique ou le zèle religieux quérir jusque dans leurs refuges ces derniers témoins afin de leur faire un sort. Déplacé de la Mer blanche vers l'Asie centrale, le petit homme brun des Royaumes de Borée aurait pu être l'un d'eux.
Sept cavaliers et Septentrion sont des contes. Il n'y a plus rien ici de réel, si ce n'est que le conte se fait souvent la transcription fabuleuse de pensées et de faits authentiques du passé ou de l'avenir. Le récit se fait alors prophétie. Ici, les deux romans sont l'annonce de la fin de l'Occident. Chaque groupe de personnages est un condensé de traditions, d'histoire et de peuples européens, confrontés à leur propre disparition, non par attaque extérieure, mais par effondrement intérieur. On le sait, l'Occident malade, confronté à la remise en cause de son identité, au déracinement de ses hommes, au machinisme décérébrant, à la perte du sens du sacré (et non de son goût, ce sont choses différentes), ne remplissant plus ses berceaux, est en danger de disparition, non par effondrement, mais par évaporation de son âme. (Hommes et vestiges resteront, mais l'esprit des lieux s'en sera aller. Ce n'est pas une fatalité, mais c'est un risque, qui s'est déjà produit dans l'histoire européenne, lorsque s'évanouirent les civilisations hellénistiques de l'Asie mineure et de l'Asie centrale, ou les civilisations latines de l'Afrique du Nord.)
L'Anneau du pécheur, récit mi-historique, mi-légendaire, consacré à la survivance de la papauté d'Avignon, est peut-être le plus émouvant de tous ces contes. Il s'y mêle une histoire toute personnelle, celle de la lignée de ces papes. Il s'y mêle surtout une formidable fidélité à l'honneur et la parole donnée, par-delà près de six siècles, alors que le monde alentour poursuit sa marche sans qu'il soit possible de le nier car le contact avec l'extérieur, jamais, n'est rompu.
Ces histoires nous parlent, parce qu'elles nous rappellent ce que nous vivons aujourd'hui, l'étrange disparition de notre être historique dans la grande tempête qui, depuis un siècle (sans doute plus) et certainement pour encore au moins un siècle (car les civilisations mutent et meurent lentement.) bouleverse notre identité collective et personnelle.
La claire conscience de ce bouleversement intime et commun chez l'auteur de ces lignes explique pour une large part l'affection mélancolique qu'il porte à l’œuvre de Jean Raspail et plus particulièrement aux titres évoqués.
Qui se souvient des Hommes ?
Dans le lignage de votre serviteur, trois branches se distinguent plus nettement que les autres.
La première en ligne paternelle est cévenole. Mieux vaudrait parler d'arbre ou d'arbuste que de branche, car ce sont les racines que nous évoquerons ensuite. Ces racines cévenoles plongent dans un carré de montagnes et de vallées étroites d'une quarantaine de kilomètres de côtés. Quelques villages dispersés, tous catholiques en cette terre protestante, contiennent l'intégralité de cette branche de la famille, dont je tire mon nom. Que reste-t-il de tout cela ? La famille a quitté ces montagnes rudes et austères depuis la fin du XIXe siècle. Le premier exil a mené le groupe jusque dans la plaine de Nîmes. Le second exil fit monter les ultimes rejetons à Paris. Depuis, les derniers souvenirs de cette vie se sont envolés. Il ne reste rien de l'héritage cévenole. A bien y penser, la chose est commune. Aujourd'hui, que reste-t-il de ces vieilles Cévennes ? Combien de familles authentiquement cévenoles habitent toujours ces montagnes, ne les ont jamais quittées et parlent toujours occitan couramment pour les actes de la vie quotidienne ? Bien peu en vérité. La plupart des personnes se sont envolées vers des régions plus clémentes, de nouvelles les ont remplacé, mais ne sont pas du cru, et chez ceux qui restent, encore nombreux, la langue et la culture se sont perdues. Il ne reste, ici et là, que quelques bribes, ânonnées par ceux qui ne veulent pas oublier.
Le second arbuste est juif alsacien. De ces juifs des bords du Rhin, ces juifs du Saint-Empire, au yiddish spécialement germanique, pauvres mais heureux dans leurs villages d'assignation, à Hagenthal ou Wintzenheim dans l'actuel Haut-Rhin. La famille quitta l'Alsace en 1871, pour demeurer française. Ce fut le choix de Bâle, Belfort, Vesoul puis de Nancy. Enfin, chacun a quitté la patrie, le Vaterland (ou plutôt le Mutterland puisqu'il s'agit de judaïsme), pour d'autres lieux, Paris encore en ce qui concerne votre serviteur. Ici, la tradition s'est mieux maintenue. Sans doute l'habitude des persécutions et de la vie ultra-minoritaire a-t-elle sécrété contre l'assimilation de plus solides anti-corps. Aussi demeure-t-il des bribes d'héritage; quelques mots de yiddish, des recettes de cuisine, une intelligence des situations et des réflexes face au sacré dont l'aspect, quelquefois primitif, sont les ultimes témoins d'un judaïsme fort ancien et enraciné dans la culture de la Mitteleuropa. Mais là encore, que reste-t-il du judaïsme alsacien hormis ces bribes ? Combien de familles sont restées en Alsace, ont maintenu la pratique du Yiddish, la connaissance des rites et cette sensibilité si particulière qui distingue le judaïsme alsacien de celui de l'Allemagne, de la Suisse, de la Belgique ou des Pays-Bas, à la fois proches par la ligne rhénane et si loin par les habitudes et la manière d'être ? Comme pour les Cévennes, peu de familles tiennent bon et peuvent revendiquer une chaîne ininterrompue depuis les siècles. Ici, l'extermination et l'exode durant la guerre expliquent largement cette disparition que seuls comprennent les autres déracinés dont la conscience de peuple s'évanouit également à petit feu (Arméniens exilés, Pieds noirs rapatriés d'Algérie, Allemands d'Europe centrale déracinés en 1945, etc.)
Enfin, le troisième arbuste, le plus haut en couleurs peut-être, et celui dont la mémoire s'est la mieux conservée, est Parisien. C'est le lignage maternel, enraciné dans Paris depuis au moins six siècles. Le premier ancêtre connu dans Paris était un juriste poitevin attaché à la cour de Charles VII et qui entra dans la capitale libérée en même temps que son monarque. Cependant, d'autres racines, plus profondément enfouies, existent certainement, car ce provincial ne tarda pas à s'allier à d'autres familles, parisiennes elles, et dont la trace est perdue. A partir de cet homme toutes les sources convergent vers l'arbre parisien. Hormis une branche vauclusienne rattachée à la fin du XVIIIe siècle et une branche normande arrivée au XVIIe siècle, toutes sont parisiennes ou franciliennes. En Île-de-France elles tiennent dans quelques communes des actuels Val-de-Marne, Essonne, Hauts-de-Seine et Seine-et-Marne. A Paris, tout est contenu sur la rive droite, dans les actuels IIe, IIIe, IVe, XIe et XIIe arrondissements de Paris, encore le XIe et le XIIe ne sont que le fruit d'une migration du XIXe siècle. Les siècles précédents sont tous contenus dans quelques rues des IIe, IIIe et IVe arrondissements. Les corps de plusieurs ancêtres sont ensevelis sous le sol de l'église Saint-Gervais, près de Saint-Paul, paroisse historique de la famille. A cette particularité géographique s'ajoute une particularité spirituelle, puisque cette branche de la famille embrassa, au XVIIe siècle, le jansénisme de Port-Royal-des-Champs, suivant les intransigeants dans la voie du schisme après la bulle Unigenitus de 1713 et tenant contre la marche du temps, se repliant sur quelques familles, maintenant bon la tradition et les rites jusqu'aux années 1950. Cette double spécificité donne à cet arbre familial une conscience extrêmement forte de son histoire et de son identité, transmise par des expressions, de petites phrases, des souvenirs moraux et matériels, des récits, des attitudes et une grande sensibilité au sacré. Aujourd'hui, votre serviteur a quitté Paris. Dans sa nombreuse famille parisienne, la plupart des membres ont pris la route de l'exil, souvent en banlieue, parfois en province et pour certains à l'étranger. Ce déracinement nouveau a intellectualisé la mémoire familiale mais a atténué son incarnation. L'intelligence des lieux, le parler de ce Paris de la rive-droite se sont atténués.
Là encore, nous parlons d'une espèce évanouie. Combien de familles parisiennes ont conservé un tel enracinement ? Que reste-t-il de ce Paris véritable, héritier inconscient du peuple des Parisis, témoin de toute l'histoire de France ?
(A suivre)
Gabriel Privat

▶[EP3]Batailles sous les mers - Contre attaque americaine. DOCUMENTAIRE ...

▶[EP2]Batailles sous les mers - L'attaque secrète d'Hitler. DOCUMENTAIRE...

Du nouveau sur Louis XVII (Au Coeur de l'Histoire)

Du nouveau sur Louis XVII (Au Coeur de l'Histoire)