mardi 9 avril 2013

11 avril 1713 : la paix d'Utrecht

Le 11 avril 1713, après quatorze mois de négociations pénibles entrecoupées de rebondissements militaires, les diplomates européens signent à Utrecht le traité qui met fin à la guerre de la Succession d'Espagne.
Fin d'une guerre européenne
En 1700, le roi d'Espagne Charles II, sans enfant, avait légué son royaume au duc Philippe d'Anjou, petit-fils du roi de France Louis XIV. Craignant une union de la France et de l'Espagne, plusieurs États européens, dont l'Angleterre et l'Autriche, s'étaient coalisés contre les Bourbons.
Après de sévères revers militaires, la France écarte le danger d'invasion grâce à la victoire du vieux maréchal Villars à Denain. Louis XIV peut enfin négocier la paix dans des conditions à peu près honorables.
À Utrecht, ses diplomates et ceux de l'Espagne font face aux représentants de l'Angleterre, de la Hollande, du Portugal, de la Savoie et de la Prusse.
La signature du traité donne lieu à une vaste redistribution des cartes en Europe... Elle nous fait penser a posteriori à une avant-première des traités de Vienne (1815) et de Versailles (1919).
Négociations européennes à grande échelle
La France doit céder l'île de Terre-Neuve à l'Angleterre, le territoire de la baie d'Hudson et l'Acadie au Canada, ainsi que l'île Saint-Christophe aux Antilles. Elle lâche aussi plusieurs villes allemandes : Brisach, Fribourg, Kehl, sur la rive droite du Rhin, et s'engage à détruire ses fortifications du bord du Rhin.
A la frontière du nord de la France, la Hollande obtient d'installer des garnisons dans huit forteresses : Furnes, Ypres, Menin, Tournai, Mons, Charleroi, Namur et Gand. Humiliante pour la France, cette «barrière» vise à prévenir toute nouvelle agression contre la Hollande.
La France reconnaît par ailleurs les droits de la dynastie de Hanovre sur le trône anglais et renonce à soutenir les droits des Stuart. Elle s'engage à détruire les fortifications érigées à Dunkerque par Vauban.
En contrepartie, le petit-fils de Louis XIV est confirmé comme roi d'Espagne sous le nom de Philippe V, tout en renonçant à ses droits sur le trône de France.
La Savoie se voit confirmer la possession d'une partie du Milanais. Elle recouvre la possession de la... Savoie, occupée par les troupes françaises. Le duc de Savoie cède à la France la vallée alpine de Barcelonnette en échange de Fenestrelle et d'Exiles. Il reçoit également le titre de roi ainsi que la Sicile (mais échange peu après cette dernière contre la Sardaigne).
L'Électeur de Brandebourg, Frédéric Ier de Hohenzollern, se voit reconnaître le titre de roi en Prusse (sans arriver à convaincre l'empereur d'Allemagne de lui reconnaître le titre plus honorable de roi de Prusse). Il reçoit la haute Gueldre, près de la Hollande, ainsi que la principauté de Neuchâtel. Il cède d'autre part à la France la principauté d'Orange (en Provence).
L'empereur Charles VI de Habsbourg reçoit la plupart des possessions espagnoles en Europe : Milan, Mantoue, Naples, la Sardaigne (qu'il échangera ensuite contre la Sicile), ainsi que les Pays-Bas du sud (l'actuelle Belgique).
L'Europe à la mort de Louis XIV
Cliquer pour agrandir la carte
L'Europe à la mort de Louis XIV (carte : Alain Houot, Herodote.net)
La France apparaît en 1715, à la mort de Louis XIV, comme le royaume le plus peuplé, le plus puissant et le plus prospère d'Europe, avec une vingtaine de millions d'habitants et une population en progression. La «ceinture de fer» de Vauban la protège durablement contre les risques d'invasion...

Conclusions
Le traité d'Utrecht consacre l'effacement de l'Espagne de l'avant-scène européenne et inaugure l'extraordinaire ascension de l'Angleterre.
– Les Anglais acquièrent les colonies françaises du Canada ainsi que l'île de Minorque, dans l'archipel des Baléares, et la presqu'île de Gibraltar, enlevée à l'Espagne en 1704. Ils obtiennent aussi pour 30 ans le monopole de la traite des Noirs (l'asiento) dans l'Amérique espagnole.
– Les Provinces-Unies, bien que victorieuses, cèdent à leurs rivaux anglais la primauté maritime et commerciale.
– L'Allemagne et l'Italie restent divisées, malgré la montée en puissance de la Prusse et de la Savoie.
– La France conserve de «beaux restes». Ses frontières, puissamment fortifiées par Vauban, la tiendront à l'abri de l'invasion pendant près d'un siècle, jusqu'en 1792.
La France  au plus haut
Au terme du règne long et glorieux de Louis XIV, la France garde un immense prestige en Europe, malgré ses difficultés dans la Guerre de Succession d'Espagne. Cela lui vaut de rester pendant un siècle encore à l'avant-garde de la civilisation européenne. D'ailleurs, c'est en français qu'est rédigé le traité d'Utrecht. C'est une première car tous les actes diplomatiques étaient précédemment rédigés en latin. Le français devient pour deux siècles, jusqu'au traité de Versailles, la langue de la diplomatie.
Les traités signés à Utrecht sont complétés quelques mois plus tard par le traité de Rastatt. Celui-ci est signé le 6 mars 1714 par le maréchal de Villars, qui représente Louis XIV, et le prince Eugène, qui représente l'empereur d'Allemagne.
Le traité de Bade du 7 septembre 1714 étend les clauses du précédent traité à toutes les principautés allemandes. Enfin, le traité d'Anvers (15 novembre 1715), ou traité de la «barrière», définit les rapports entre la Hollande (ou Provinces-Unies) et les Pays-Bas autrichiens.
Camille Vignolle http://www.herodote.net

Aucun commentaire: