samedi 15 octobre 2011

Reynald Sécher : « J’ai découvert le dossier original du plan d’extermination de la Vendée »

Reynald Sécher est un universitaire spécialiste de la Vendée, région martyre à l'histoire de laquelle il consacre depuis des années son grand talent.
Vous avez publié de nombreux ouvrages sur l'histoire de la Vendée, comment vous situez-vous par rapport à cette tragédie historique ?
Reynald Sécher : Je n'ai pas seulement écrit sur la Vendée : l'essentiel de mon œuvre est consacré à d'autres objets, comme l'histoire de la Bretagne, de la France, ou celle d'entreprises. Cependant, je reviens souvent sur la Vendée, par sollicitation ou en raison de découvertes. Je lui ai ainsi consacré un certain nombre de livres, notamment sous l'angle historique. Ces ouvrages sont issus de mes deux thèses sur l'histoire de La Chapelle Basse Mer et sur le Génocide franco-français : La Vendée-Vengée. C'était la première fois qu'un scientifique issu de l'université française réfléchissait sur la nature de la répression en Vendée.
Pourquoi ce livre a-t-il suscité un tel remous ?
Parce que j'y démontrais que la Convention avait conçu, organisé, planifié l'anéantissement et l'extermination de la Vendée militaire. Non seulement je remettais en question la nature de la Révolution, mais je bouleversais toute la recherche historique, et bien entendu son enseignement.
Parlons de votre prochain livre, intitulé : Vendée : Du génocide au mémoricide, et qui sera publié en octobre aux éditions Le Cerf. Vous y rendez compte de vos dernières découvertes…
Par le plus grand des hasards, j'ai effectivement découvert le dossier original du plan d'extermination et d'anéantissement de la Vendée signé par les membres du Comité de Salut Public, notamment Robespierre et Carnot. Non seulement je ne m'étais pas trompé, dans mes précédents ouvrages, mais j'ai sous-estimé ce crime. En fait, la guerre de Vendée n'existe pas, ou plus exactement elle ne dure que 5 mois. Tout le reste n'est que génocide. Non seulement les Conventionnels ont voté ce crime, mais ils l'ont mis personnellement en œuvre.
Est-ce à dire qu'ils étaient sur le terrain ?
Pas seulement. Es ont d'abord épuré l'armée. Cela a été épouvantable. Soit on était avec eux, soit contre eux… Et dans ce cas, c'était automatiquement la mort. Si vous voulez un exemple de la participation active des Conventionnels dans le système, retenons celui - le plus connu, d'ailleurs - de Carrier, le promoteur des noyades de Nantes, qui était député à la Convention. Mais si vous le permettez, nous en parlerons lorsque le livre sera paru.
Vous avez multiplié les supports de vos ouvrages historiques. Pourquoi ?
Pour deux raisons essentielles. J'étais enseignant dans les années 1980 et j'avais constaté que les élèves se détachaient du support livre pour l'image mobile ou immobile : en clair, pour la télé et les BD. J'avais fait des tests en recommandant à mes élèves de regarder tel ou tel documentaire, ou de lire telle BD historique. J'avais été stupéfait de la richesse de leurs commentaires. J'ai alors proposé à de grands éditeurs de monter une collection. Tous ont été unanimes : cela ne pouvait pas marcher. Vous connaissez la suite. J'ai monté ma propre maison d'édition et je publie une ou deux BD chaque année. Je pourrais augmenter le nombre des titres, mais la distribution me fait malheureusement défaut. Quant au documentaire historique, il trouve son origine dans le même constat. À ce jour, j'en suis au troisième. En octobre, j'en publierai un nouveau sur la chouannerie.
Pour revenir à la Vendée, en quoi cette région est-elle si particulière ?
C'est le théâtre du premier génocide de l'histoire contemporaine. Non seulement ce génocide a été gommé dans le cadre d'une opération « mémoricidaïre », mais, paradoxalement, il a servi de référence pour tous les génocides du XXe siècle. La Vendée, en ce sens, est un double laboratoire : celui des génocides et celui des mémoricides. Lorsque j'ai énoncé ce mot pour la première fois, en 1986, il a attiré l'attention des chercheurs et certains, notamment aux États-Unis, l'ont abondamment utilisé. Il restait à le définir : c'est ce que je fais dans mon prochain ouvrage. Lemkin, dans le cadre de son concept de génocide, avait cette conscience d'une définition incomplète, car il ne tenait pas compte de la mémoire. Maintenant ce vide est comblé.
Propos recueillis par Paul Nielson : monde & vie . 17 septembre 2011

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