dimanche 12 septembre 2010

1370 : le Roi et Du Guesclin

Le capitaine Du Guesclin est élevé par Charles V à la dignité de connétable de France. Le roi et son chevalier s'entendent non pour infliger aux Anglais des batailles rangées, mais pour les repousser méthodiquement.
Cette année-là, la sixième de son règne, Charles V, trente-deux ans, soucieux de renvoyer au plus vite les Anglais chez eux, éleva le capitaine Bertrand Du Guesclin à la dignité de connétable de France. Nous avons déjà vu Charles (fils de Jean II le Bon), encore dauphin, quelque peu malingre et dépourvu de panache, rétablir dans le royaume l'ordre et la stabilité monétaire (L'AF 2000 du 5 mars 2009 et du 4 mars 2010). Dès son accession au trône en 1364, il montra sa volonté de ne pas se résigner au traité de Brétigny qui enlevait à la France pratiquement tout le Sud-Ouest.
Pendant seize ans…
Très lettré, grand lecteur d'Aristote, passionné d'astrologie, homme de goût qui embellit Paris, le troisième roi de la lignée des Valois était aussi fort instruit des questions militaires. Il n'eut de cesse de se donner un noyau solide de forces permanentes. Pour y parvenir il s'appliqua à supprimer les guerres particulières, à s'assurer des ressources régulières par la permanences des aides (impôts indirects) et la réglementation des fouages (impôts exceptionnels).
Sa chance fut de rencontrer en Du Guesclin le grand capitaine dont il ne pouvait se passer. Conjonction remarquable pendant seize ans entre deux volontés, que le duc de Lévis Mirepoix décrit ainsi : « Il y a de la joie chez le monarque valétudinaire et sédentaire, d'avoir découvert sous la rude enveloppe du chevalier breton, aux jambes torses, la force morale dans la force physique, l'intelligence dans l'entrain. Comme il était lui-même l'action dans l'intelligence. »
Laideur et brutalité
Du Guesclin était né en 1320 au château de La Motte-Broons, près de Dinan. Jeune, il était surtout connu pour sa laideur physique et sa brutalité, mais il sut assez tôt mettre sa force physique dans de plus nobles actions, notamment dans la constitution, pour son compte, de troupes luttant contre les Anglais. Il se trouva ainsi le défenseur de la ville de Rennes contre le comte de Lancastre. Caché dans les forêts de Paimpont, Bertrand faisait trembler les Anglais. Dès 1360, il était devenu lieutenant de Normandie, d'Anjou et du Maine.
Quatre ans plus tard le voici capitaine général entre Seine et Loire et chambellan de France. C'est alors qu'il eut l'occasion d'offrir à Charles V, quelques jours avant le couronnement de celui-ci, la belle victoire de Cocherel (avril 1364) remportée contre les troupes du roi de Navarre, lequel alors au service des Anglais, n'avait pas cessé de mériter son sobriquet de Charles le Mauvais. Dès lors le roi et son chevalier s'entendirent pour, non pas infliger aux Anglais des batailles rangées, mais pour les repousser méthodiquement, s'emparer point par point de leurs forteresses, redonner confiance aux paysans des provinces occupées. En Du Guesclin les troupes retrouvaient une âme, il ne les engageait pas pour la gloriole, mais, ménageant toujours leur sang, il les exerçait à la ruse, à la guerre d'usure.
Pour débarrasser le territoire des fameuses grandes compagnies qui terrorisaient les campagnes, lui qui savait parler à ce genre de troupiers, en entraîna un bon nombre en Espagne pour y prendre la défense d'Henri de Transtamare contre Pierre le Cruel soutenu par les Anglais. Après bien de péripéties, Henri l'emporta et devint un utile allié de la France. Toutes ces prouesses méritaient amplement le titre de connétable que Charles V lui donna donc en cette année 1370.
Repousser les Anglais chez eux
De son côté le roi savait qu'il fallait aussi enlever aux Anglais la maîtrise de la mer. Il reconstitua donc une marine en flattant les états généraux pour avoir de l'argent.
Il faut ici noter la différence entre la France de Charles V et l'Angleterre d'Édouard III. Chez nous, les populations avaient hâte d'en finir avec le traité de Brétigny pour se retrouver entre Français ; outre-Manche, le régime parlementaire, né de la fameuse grande Charte, on s'en souvient, au temps de Jean sans Terre en 1215, produisait ses effets et l'effort de guerre s'essoufflait. Bientôt des pourparlers de paix furent décidés, puis aussitôt rompus par l'Anglais. La mort de Du Guesclin le 13 juillet 1380 en combattant les grandes compagnies d'Auvergne à Châteauneuf-de-Randon ne ralentit pas l'élan, et tandis que nos marins aidés des troupes de nos alliés espagnols pénétraient jusque sur la Tamise…, les Anglais ne possédaient plus en France à la mort de Charles V que Bayonne, Bordeaux et Calais.
Selon Bainville, « si Charles V avait vécu dix ans de plus, il est probable que Jeanne d'Arc eût été inutile ». Hélas, ce roi sage et avisé, premier initiateur d'une armée royale permanente, mourut le 16 septembre 1380, peu après Du Guesclin. Pour régler au mieux sa succession il avait fixé à quatorze ans la majorité royale.
Hélas, la fortune ne devait guère sourire au successeur, le jeune Charles VI…
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 – du 18 au 31 mars 2010

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