lundi 14 septembre 2009

De la paix de Brest-Litovsk à la guerre civile

Le 3 mars 1918, à Brest-Litovsk, en Biélorussie, les bolcheviques russes signent la paix avec les Allemands et leurs alliés. Ils se retirent de la Grande Guerre, laissant choir la France et l'Angleterre qui s'étaient engagées aux côtés du tsar.
Les Allemands en profitent pour une offensive de la dernière chance sur le front français...
La Révolution au prix de la défaite
Dès le 8 novembre 1917, soit le lendemain de la prise de pouvoir par les bolcheviques des centres vitaux de Petrograd (Saint-Pétersbourg), Lénine a signé un décret qui propose une « paix sans annexions » à tous les belligérants. Mais ce décret d'un agitateur au pouvoir encore incertain est resté lettre morte.
Le 15 décembre, il se résout à demander l'armistice pour prendre de court ses compatriotes qui veulent continuer le combat, y compris dans son parti. Soucieux de consolider son pouvoir sur la Russie, il veut en finir avec la Grande Guerre commencée trois ans plus tôt.
Trotski, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères, dirige les négociations d'armistice. Cet intellectuel rigide pense que les Allemands ne tarderont pas à suivre les Russes dans la voie de la Révolution prolétarienne. Convaincu que les vainqueurs finiront par être balayés par la révolution, il est prêt à concéder aux Allemands tout ce qu'ils voudront.
La Finlande, l'Ukraine et d'autres provinces de l'Empire russe profitent des négociations de paix pour s'émanciper. Lénine ne peut rien faire contre les Finlandais mais il réussira plus tard à reprendre le pouvoir à Kiev, capitale de l'Ukraine, par la force.
Lénine seul contre tous
Enfin est conclue le 3 mars 1918 la désastreuse paix de Brest-Litovsk avec l'Allemagne et ses alliés (Autriche-Hongrie, Turquie et Bulgarie).
La Russie perd par ce traité léonin la Pologne, la Finlande, l'Ukraine, les pays baltes (Lithuanie, Lettonie, Estonie), plusieurs territoires cédés à la Turquie, alliée de l'Allemagne... La Russie d'Europe se trouve ramenée à ce qu'était le grand-duché de Moscovie avant l'avènement d'Ivan le Terrible au XVIe siècle !
De leur côté, les Allemands tirent parti du cessez-le-feu et de la paix à l'Est pour redéployer leurs troupes à l'Ouest et porter leurs ultimes efforts sur le front français. Ce sont quarante divisions qu'ils vont réorienter vers l'Ouest sitôt la paix signée.
Lénine, avant tout soucieux de sauver sa Révolution, fût-ce au prix de la défaite et du démembrement de l'empire russe, pèse de tout son poids en faveur du traité. Il s'ensuit de violentes tensions parmi les membres du gouvernement.
Les ministres socialistes-révolutionnaires de gauche démissionnent et rentrent dans l'opposition. Ils ne vont plus cesser de combattre la dictature de Lénine.
La guerre civile
C'est le moment où se réveillent en ordre dispersé les partisans du régime tsariste ou de la République démocratique issue de la Révolution de Février.
Dans le Kouba, le général Kornilov a constitué une « armée des volontaires » ; en Ukraine, en avril 1918, l'ethman (chef cosaque) Skoropadski prend le pouvoir avec le concours des Allemands ; dans le Caucase, en mai 1918, Géorgie, Azerbaïdjan et Arménie se proclament indépendantes. Dans le même temps, en avril 1918, les Anglais, que la défection de la Russie inquiète, débarquent à Mourmansk. Les Japonais occupent de leur côté Vladivostok. Enfin, des gouvernements rebelles se constituent à Omsk, en Sibérie, et à Samara, dans l'Oural.
En mai 1918 survient l'offensive d'une brigade de combattants tchèques. Déserteurs de l'armée austro-hongroise, ils s'étaient engagés quelques mois plus tôt aux côtés des Russes pour combattre l'Autriche-Hongrie et libérer leur pays. Après la paix de Brest-Litovsk, ils craignent d'être livrés à Vienne. D'où leur rébellion.
Profitant de la décomposition du pays, les Tchèques s'emparent du chemin de fer du Transsibérien et dominent de la sorte la Sibérie. Ils s'approchent d'Ekaterinbourg, où est détenue la famille impériale. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, les bolcheviques massacrent celle-ci dans la crainte qu'elle ne soit délivrée par les Tchèques.
Les Tchèques lancent peu après une offensive sur Kazan tandis qu'une armée tsariste aux ordres de Krasnov et Denikine, les Gardes blancs, marche vers Tsaritsyne (plus tard Stalingrad).
Partout, dans l'immense Russie, les bolcheviques semblent perdus mais ils vont se tirer de cette situation quasiment désespérée grâce à l'énergie et aux talents d'organisateur de Trotski, lequel prend le commandement de l'Armée Rouge et n'hésite pas à y intégrer d'anciens officiers tsaristes. Ils vont profiter aussi des divisions et des querelles chez leurs ennemis, tant de la gauche républicaine que de la droite tsariste.
Victoire à la Pyrrhus
Tout en combattant leurs rivaux politiques, les bolcheviques pressurent les ouvriers. Ils imposent le travail forcé le dimanche. Ils répriment les grèves avec la dernière énergie. Lénine lui-même prône des «exécutions massives» pour briser une grève de cheminots. Les paysans ne sont pas épargnés. Victimes des réquisitions de céréales, beaucoup meurent de famine.
Les exécutions sommaires, les massacres, les réquisitions, les prises d'otages... ne sont pas l'apanage des «Rouges». Les «Blancs» les pratiquent aussi volontiers, avec le désavantage sur les bolcheviques de susciter la haine des masses paysannes, qui se vengent de plusieurs siècles d'oppression. Les bolcheviques ne se font pas faute d'exciter cette haine.
En deux années, la guerre civile va faire environ 5 millions de victimes parmi les combattants, non compris autant de civils victimes des famines et des exécutions sommaires. C'est bien plus que la Première Guerre mondiale. Cette guerre civile va se conclure par la mainmise des bolcheviques et de Lénine sur un pays ruiné.
En 1921, confronté à un début de famine et à une désorganisation complète des rouages de l'État, Lénine lâche du lest, annonce une nouvelle politique économique et fait appel à l'aide américaine !
André Larané.
http://www.herodote.net

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