jeudi 11 septembre 2008

Quand des socialistes assassinaient la république

Le 10 juillet 1940, par 569 voix contre 80 et 17 abstentions, l'Assemblée nationale votait les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Sur les 149 parlementaires socialistes, 29 seulement s'opposèrent au texte proposé. Beau démenti à la légende entretenue par certains historiens, qui soutiennent que le gouvernement de Vichy fut enfanté par la droite.
De même qu'il paraît injuste d'oublier tous ces socialistes qu'on rencontrait dans les allées du pouvoir d'alors et sur les chemins de la collaboration.
Comme on en use avec César, il convient de rendre à la gauche ce qui est à la gauche.

« L'Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle Constitution de l'Etat français. Cette de la famille et de la patrie.
Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les Assemblées qu'elle aura crées. »
Née d'une défaite au lendemain de 1870, la IIIe République meurt ce 10 juillet 1940 d'une autre défaite. Les paroles de la chanson n'existent pas encore et personne n'a vraiment envie de chanter, aussi le peuple français s'accorde-t-il, en une majorité qui frise l'unanimité, à soupirer :
- Maréchal, nous voilà ...
Seule fausse note dans ce concert d'actions de grâces, la réflexion d'un glorieux soldat :
- Pétain, il est comme moi, deux heures de lucidité par jour...
Propos aussitôt dénaturé.
Le général de Castelnau, qui connaît le poids des ans, entend protester contre l'attitude de ceux qui chargent du poids de leurs erreurs les épaules d'un vieillard. C'est bien dans la manière directe de ce catholique intransigeant sur les principes et sur les devoirs. En raison de ses convictions, la gauche d'après la victoire de 1919 s'était opposée à ce qu'il obtînt un bâton de maréchal pourtant largement mérité. En raison de son ironie, la gauche d'après la défaite de 1940 le taxe de jalousie lorsqu'il sourit de la voir adorer Pétain sans retenue. En tant qu'homme de droite, Castelnau ne peut prétendre qu'au mépris.
Parce que si la gauche, comme en témoigne le comportement de la plupart de ses représentants élus, approuve l'armistice avec l'Allemagne, elle n'envisage nullement la possibilité d'en signer avec la droite, qui demeure l'ennemie.
Certes, pour le moment, il faut donner l'impression de composer. L'entourage du Maréchal est truffé de gens de droite, voire d'extrême droite. Beaucoup, s'ils n'ont pas milité dans les groupes d'Action française, reconnaissent Charles Maurras pour maître à penser. Quelques-uns, tels le Garde des Sceaux Raphaël Alibert et le chef de cabinet Henri Dumoulin de Labarthète, disposent d'une véritable puissance.
Encore que ces éminences ne dissimulent nullement leur hostilité à toutes les formes de la gauche, il importe d'éviter de les provoquer, ce qui renforcerait leurs arguments, et il semble même nécessaire de les ménager, car le bout de chemin en leur compagnie se révèle indispensable si l'on souhaite conserver des postes clés dans le nouvel Etat français. Chacun se plie aux exigences de la tactique et, honnête historien de l'époque, Henri Amouroux pourra plus tard écrire que les gens de gauche ont été pétainisés « avec plus d'obstination et de logique que les autres » .

NE PAS ABANDONNER LE SOL FRANÇAIS
Aussi, à ceux qui regardent le régime de Vichy comme l'expression de la droite, convient-il d'indiquer que cette vision ne devient possible qu'en admettant que la gauche d'alors offrit l'illusion d'effectuer un impeccable demi-tour à droite.
Manœuvre accomplie dans les temps réglementaires.
Le 16 juin, à 23h30, le maréchal Pétain, Président du Conseil désigné dans la journée, annonce la constitution du dernier gouvernement de la IIIe République. Dans son Histoire de Vichy, François-Georges Dreyfus passe la revue de détail :
« Un gouvernement d'union nationale allant des socialistes à la droite non parlementaire. Sur seize ministres et deux sous-secrétaires d'Etat, onze faisaient déjà partie du précédent gouvernement. Sont absents Paul Reynaud, Georges Mandel, le général De Gaulle. Est absent également Laval qui aurait voulu les Affaires étrangères, ce à quoi le général Weygand s'est formellement opposé, et qui a refusé le ministère de la Justice. Chautemps, Baudoin, Bouthillier gardent leur portefeuille du gouvernement Reynaud, et deux socialistes, Février et Rivière, entrent dans te ministère avec l'accord exprès de Léon Blum ... »
Pourtant, la participation à ce gouvernement correspond, sans la moindre équivoque, à l'acceptation d'une politique. Nul dans la classe politique, n'ignore que l'intention de Pétain est de demander l'armistice. Le Maréchal, quelques jours plus tôt à Cangé, l'a signifié très clairement :
« Il est impossible au gouvernement, sans émigrer, sans déserter, d'abandonner le territoire français. Le devoir du gouvernement est, quoi qu'il arrive, de rester dans le pays, sous peine de ne plus être reconnu comme tel. Priver la France de ses défenseurs naturels dans une période de désarroi général, c'est la livrer à l'ennemi, c'est tuer l'âme de la France - c'est par conséquent, rendre impossible sa renaissance. Le renouveau français, il faut l'attendre bien plus de l'âme de notre pays, que nous préserverons en restant sur place, plutôt que d'une reconquête de notre territoire par des canons alliés, dans un délai impossible à prévoir. Je suis donc d'avis de ne pas abandonner le sol français et d'accepter la souffrance qui sera imposée à la patrie et à ses fils. La renaissance française sera le fait de cette souffrance. »

Or, comment rester dans le pays et continuer de gouverner sans qu'intervienne un armistice ? L'armée allemande fonce vers les Pyrénées, et rien ne parait pouvoir l'arrêter. Donc le doute n'est pas permis. En autorisant deux socialistes à participer au gouvernement Pétain, Léon Blum sait qu'ils seront obligatoirement solidaires de la demande d'armistice.
Ces deux socialistes retrouveront dans ce nouveau gouvernement un ancien camarade de leur parti, qui fut en 1936 ministre de Léon Blum, comme il le fut avant et après de beaucoup d'autres, toutes tendances confondues. La carrière de girouette du personnage donnait tellement le tournis que, lorsqu'il devint l'élu de la Martinique, Henri Jeanson, confondant pour le plaisir d'un mot les couleurs d'outre-mer, le surnomma le député de Tahiti. Tour à tour membre de la SFIO, du Parti communiste - dont il fut exclu pour appartenance à la franc-maçonnerie - et de diverses formations dont par extraordinaire les étiquettes s'usèrent plus vite que sa réputation, Ludovic-Oscar Frossard offre au gouvernement Pétain, à défaut de sa fidélité, son incompétence dans la gestion du ministère des Travaux Publics. Quand, la République mise en veilleuse un peu grâce à son vote, le gouvernement de Vichy fera appel à des techniciens pour les ministères techniques. il se retirera à Marseille, où il publiera, jusqu'au dernier jour de l'occupation, un quotidien, Le Mot d'ordre, largement subventionné par l'Etat français. Après la Libération, en 1946, il mourut dans une semi-clandestinité, abandonné par les apôtres du socialisme renaissant. Il ne croyait plus en rien, et son fils André ne croyait pas déjà en un Dieu qu'il n'avait pas encore rencontré.

PÉTAIN FAIT L'UNANIMITÉ
Dans son remarquable ouvrage, 1939-1940 L'année terrible (1). François Brigneau propose une approche peu courante des états d'âme de la gauche française dans les semaines du grand bouleversement :
Le 9 juillet 40, il (Vincent Badie) rassemble un certain nombre de ses amis, sur un texte qui mérite d'être rappelé. Il est peu connu et révèle bien la réalité de ces journées cruciales. C'est la Motion des 27. La voici.
« Les parlementaires soussignés, après avoir entendu la lecture de l'exposé des motifs du projet concernant les pleins pouvoirs à accorder au maréchal Pétain, tiennent à affirmer solennellement :
Qu'ils n'ignorent rien de tout ce qui est condamnable dans l'état actuel des choses et des raisons qui ont entraîné la défaite de nos armées.
« Qu'ils savent la nécessité impérieuse d'opérer d'urgence le redressement moral et économique de notre malheureux pays et de poursuivre les négociations en vue d'une paix durable dans l'honneur.
« A cet effet, ils estiment qu'il est indispensable d'accorder au maréchal Pétain, qui en ces heures graves incarne et parfaitement les valeurs traditionnelles françaises, tous les pouvoirs pour mener à bien cette œuvre de salut public et de paix.
« Mais, se refusant à voter un projet qui aboutirait inéluctablement à la disparition du régime républicain,
« Les soussignés proclament qu'ils restent plus que jamais attachés aux libertés démocratiques, pour la défense desquelles sont tombés les meilleurs de ses fils. »
Les 27 - qui seront finalement 38 - sont presque tous de gauche.
On y trouve sept francs-maçons : Biondi, député de l'Oise, loge La Liberté; Labrousse, sénateur de la Corrèze, vénérable de la loge La Fraternité latine; Michel, sénateur de la Dordogne, vénérable de la loge Vers la Justice ; Noguères, député des Pyrénées-Orientales, loge Action ; Ramadier, député de l'Aveyron, loges La Nouvelle Cordialité et l'internationale ; Roy, député de la Gironde ; Thiébault, député de la Meuse, loges Régénération et Jules Michelet.
On y trouve également des anciens ministres du front populaire comme Ramadier, André Philip, Philippe Serre, disciple de Marc Sangnier et membre important de la jeune république, etc.
Or tous, même Noguères (qui deviendra le président de la haute cour de justice jugeant les ministres du Maréchal), s'ils témoignent de leur attachement aux « libertés démocratiques » et au « régime républicain », « tiennent à affirmer solennellement... qu'il est indispensable d'accorder tous les pouvoirs au maréchal Pétain qui incarne si parfaitement les valeurs traditionnelles françaises ... » et « qu'ils savent la nécessité impérieuse... de poursuivre les négociations en vue d'une paix durable dans l'honneur ».

Le 10 juillet, dans ce Casino de Vichy les jeux sont faits, ils voteront contre le projet des pleins pouvoirs au Maréchal, même s'ils souhaitent - ainsi que leur résolution incline à le croire - que le reste du Parlement l'adopte. D'autres députés et sénateurs de gauche compteront parmi les 80 opposants déclarés, tel Vincent Auriol. Des gens de droite aussi, comme Louis Marin. Mais 120 socialistes accorderont leur confiance à Pétain pour changer de Constitution. Ils ont suivi la voie indiquée dès le 6 par Charles Spinasse, député SFIO de la Corrèze ancien ministre de l'Economie nationale du Front populaire:
« Le Parlement va se charger des fautes communes. Ce crucifiement est nécessaire... Si l'autorité du Maréchal rend possible cette tâche, alors le don qu'il nous fait de sa personne n'aura pas été vain. »
Parmi les « directeurs de conscience qui ont entraîné la majorité de leurs collègues vers le vote de confiance, trois meneurs se distinguent : Adrien Marquet, maire de Bordeaux, ministre du gouvernement Pétain, fondateur avec Marcel Déat du parti néo-socialiste, Paul Faure, pendant des années secrétaire général de la SFIO, Paul Rives, député socialiste de l'Allier. Deux élus socialistes les secondent efficacement dans ces travaux de couloirs qui ressemblent beaucoup à une campagne d'intoxication François Chasseigne et Armand Chouffet. Le « frontiste » Gaston Bergery les appuie, Et la mouche du coche Ludovic-Oscar Frossard bat des ailes en leur faveur.
Le vote acquis, qui décide d'un changement de régime, un journaliste de gauche (sous réserve, Roger Perdriat, rédacteur en chef de La Dépêche de Toulouse) commente :
« Nos amis viennent allègrement d'assassiner la République. »
L'Etat français, c'est bien, pensent quelques ultras originaires de la gauche, un régime fasciste ce serait mieux. Ils lancent l'idée d'un parti unique. Afin de le constituer, des réunions se tiennent à Vichy entre représentants de divers mouvements, censés plus ou moins soutenir la politique du Maréchal. Le projet tourne court, d'une part en raison de l'hostilité de François Valentin et d'autres délégués de la droite traditionnelle, d'autre part à cause de la « guerre des chefs » entre l'ancien communiste Jacques Doriot, leader du PPF et l'ancien socialiste Marcel Déat, leader du RNP.
Déçu, Déat retourne à Paris et lance son journal, le quotidien L'Œuvre, dans la collaboration extrême. Il se pose en donneur de leçons. Aussi en reçoit-il une, Henri Jeanson, avant guerre pacifiste comme lui mais farouchement antinazi et sincèrement hostile à un rapprochement avec l'Allemagne tant que le territoire français demeure occupé, passe à l'attaque dans les colonnes d'Aujourd'hui :
« Vint la guerre.
Vous fûtes, Déat, des quelques courageux intellectuels qui, en septembre, signèrent le tract Louis Lecoin : Pour la paix immédiate.
La police vous traqua.
M. Daladier, qui faisait la pluie et le beau temps avant que de faire la tempête, l'orage et la tourmente, vous convoqua chez un juge d'instruction qui vous reçut, un mandat d'amener à la main...
M. Daladier voulait ainsi s'assurer, par personne interposée, votre neutralité bienveillante.
Vous crûtes bon de protester :
- Moi, je n'ai jamais signé ce tract !
Ces vaines protestations ne trompaient personne.
Ni vos amis.
Ni vos adversaires.
Ni votre juge d'instruction.
Mais quoi ?
Ce n'est pas votre personne que vous vouliez sauver par vos dénégations, mais une liberté politique qui vous est chère et dont vous entendiez ne pas vous priver. »
Déat, pour se défendre, se voit dans l'obligation d'évoquer une provocation policière - et, sans doute, de l'imaginer :
« J'indique d'abord que certains aspects de cette affaire restent suspects, et que j'ai les meilleures raisons de penser qu'un traquenard policier avait été tendu, dans lequel sont tombés quelques innocents, et il me paraît que les initiateurs du tract ont été les instruments inconscients entre les mains de gens qui voulaient à tout prix réduire au silence et à l'immobilité quelques hommes gênants. Cet aspect de l'affaire sera sans doute éclaircie un jour, mais il ne m'intéresse pas pour l'instant.
Je n' ai jamais signé ce tract, parce qu'on ne m'a jamais parlé de tract, j'ai donné mon nom à un effort qui tendait au regroupement et au rassemblement de tous les pacifistes. Cette besogne était, en effet, utile et urgente. »
Ces citations étaient nécessaires afin d'établir un constat : comme elles le démontrent, le leader de la gauche de la collaboration, le parfait dialecticien socialiste, soutient sans rire à la fois qu'il a donné son nom à la cause et qu'il n'a pas signé le tract, qui exposait cette cause. Très habile, Déat. Mais pas très chanceux. Comme les autres chefs des partis « collabos », Doriot, Deloncle ou Bucard, il aspire au gouvernement. Ses rivaux ne parviendront à rien, et lui obtiendra à peine le ministère du Travail, et seulement au printemps 1944, un trimestre avant la Libération.
Ce ministère du Travail sera à Vichy un fief de la gauche. En juillet 1940, Pierre Laval, premier chef du gouvernement du Maréchal, le confie à René Belin, ancien adjoint de Léon Jouhaux et numéro 2 de la CGT. Une étude de Jean-Claude Valla (2)nous renseigne sur l'activité de ce militant syndicaliste :
« A Vichy, Belin fit entrer dans son cabinet deux de ses anciens camarades de la CGT, Raymond Froideval, ancien secrétaire des services de la Seine, et Emilie Lefranc, qui, avec son mari Georges Lefranc, avait fondé le Centre confédéral d'éducation ouvrière. Dès le mois de juin 1940, celui-ci avait écrit dans un article de la revue Esprit que le « moment était venu de confier Ie socialisme à une élite qui aurait l'autorité et la foi ». Lefranc apportera son soutien â la Charte du Travail et il ne sera pas le seul : parmi les vingt-sept membres du Comité d'organisation professionnelle créé par Vichy en février 1941 figurent bon nombre de vétérans de la CGT, parmi lesquels Auguste Savoie, qui avait participé, au début du siècle, aux luttes du syndicalisme révolutionnaire. Et qui en a accepté la vice-présidence.
Bien que le bilan de son action gouvernementale soit, de son propre aveu, plutôt négatif, René Belin peut s'enorgueillir d'avoir fait instituer la retraite des vieux, promesse que ses amis du Front populaire n'avaient pas tenue. Lorsque Pierre Laval revient au pouvoir en avril 1942, il est remplacé par Hubert Lagardelle qui avait été, au début du siècle, l' un des théoriciens du syndicalisme révolutionnaire. »
Lagardelle dont les conceptions inspirèrent en partie Mussolini lorsqu'il définit la doctrine sociale du fascisme,
Lagardelle qui, à Vichy, doit céder son poste à Marcel Déat, considéré comme « fasciste », mais tout de même de moindre envergure que Mussolini.

DES SOCIALISTES AU CONSEIL NATIONAL
Moins chanceux que Déat ou Chasseigne, député socialiste nommé en mars 1944 par Pierre Laval ministre de l'Agriculture, le plus en vue des membres ralliés de la SFIO, l'ancien secrétaire général du parti, Paul Faure, n'obtient aucun ministère malgré son assiduité auprès du pouvoir. Mais Jean-Claude Valla nous rassure sur son sort :
« Au début de 1941, le Maréchal le récompensera de ses bons et loyaux services en le nommant au Conseil national un organisme vichyssois où il retrouvera plusieurs personnalités de gauche : le sénateur
René Gouhin, franc-maçon et ami de Déat, Ludovic-Oscar Frossard, dont nous avons déjà parlé, les députés SFIO Louis l'Hévéder, Albert Paulin, Alexandre Rauzy et René Brunet, les syndicalistes CGT Georges Dumoulin, Auguste Savoie, René Bard, Marcel Roy et Pierre Vigne, pour n'en citer que quelques uns. »
L'examen de la presse de gauche pendant l'occupation ne manque pas non plus d'intérêt. Inutile de s'attarder sur la France au travail, quotidien sans lecteurs, ou sur L'Atelier, hebdomadaire sans audience. Plus significatif paraît le rôle de La France socialiste. Dirigé par René Château, franc-maçon et député élu sur une liste dissidente du Parti radical ce quotidien se pose en concurrent de L'Œuvre et en adversaire de Marcel Déat. Il prône la collaboration, mais condamne les mesures totalitaires que serait amené à prendre le gouvernement français. De même, il affiche une réelle opposition aux partisans d'un national-socialisme français, voire simplement aux membres des partis extrémistes, PPF ou Francisme. Sa clientèle semble se limiter à des intellectuels, qui apprécient les éditoriaux de René Château et les critiques littéraires de Claude Jamet, universitaire et ancien secrétaire de la fédération SFIO de la Vienne. Le journal est la propriété du trust allemand Hibbelen.
Trust qui possède également L'Effort, quotidien dirigé à Lyon par les socialistes Paul Rives et Charles Spinasse, lequel assume en outre, à Paris, la direction d'un hebdomadaire, Le Rouge et le Bleu, présenté comme l'organe de « la pensée socialiste française ». Les deux publications tentent de trouver un terrain d'entente entre le socialisme à la française et les exigences de « l'Europe nouvelle ».
Dans le même but, Paul Rives et Claude Jamet, toujours financés par le trust Hibbelen, font paraître, le 28 avril 1944, Germinal, hebdomadaire qu'ils espèrent voir un jour rivaliser avec les grands du moment. Je suis partout et La Gerbe.
Un jour ...
Il est bien tard mais Je suis partout continue ses piques féroces contre les journaux des Spinasse, Paul Rives et autres Claude Jamet. L'équipe de fascistes français ne supporte pas ces gens de gauche dont la conversion leur paraît suspecte. L'un des plus acharnés s'appelle Alain Laubreaux. Il sait de quoi il parle. Avant de devenir une des vedettes de je suis partout, il était un des piliers de La Dépêche de Toulouse, journal « officieux » des radicaux-socialistes qui avait salué l'arrivée de Pétain au pouvoir.
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(1) Publications FB (56 bis, rue du Louvre. 75002 Paris), 278 p
(2) « Quand les socialistes chantaient Maréchal nous voilà » in Marianne décembre 1985.


Luc Lanvin,  Le Choc du mois. Décembre 1990.

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